Ce week end va se dérouler le traditionnel tour de coupe de France marquant la reprise pour tous les clubs du pays et l'entrée dans la compétition pour ceux de l'élite. Voici donc le récit d'un de ces matchs de coupe...
Agen, 23 janvier 2011
En 2011, je n’habite plus à
Londres mais en Occitanie par choix et plus précisément dans le Gers pour
raisons professionnelles. Ici, la majeure partie des pages sportives des
journaux est consacrée au rugby.
Pour être
clair, la ferveur footballistique n’existe pas. Il y a trois fois moins de
clubs de football professionnels dans tout le quart sud-ouest de la France que
dans la simple banlieue londonienne.
La seule
rencontre qualifiée injustement de « derby » oppose Bordeaux à
Toulouse, deux villes séparées de près de 250 kilomètres.
Le club
professionnel local est donc le FC Toulouse, club pour lequel l’enthousiasme
est très mesuré, tapis dans l’ombre du Real Madrid du rugby qu’est le Stade
Toulousain.
Le stadium
municipal demeure à moitié vide toute l’année (59% de remplissage depuis la
dernière promotion en ligue 1) et les occasions de s’emballer sont une denrée
rare.
Alors
forcément, lorsque le tirage au sort des seizièmes de finale de la coupe de
France désignât les amateurs d’Agen (eux aussi dans l’ombre du club de rugby
local) comme hôtes de mon cher Paris Saint-Germain, je bondis sur l’occasion.
Un match de
football intéressant à 100 kilomètres de chez moi était une rareté que je ne
pouvais pas décemment laisser passer. L’organisation chaotique allait elle tout
faire pour que je me rate.
Le stade de
football de la ville d’Agen ne pouvant clairement pas accueillir sereinement la
foule envisagée pour cette rencontre, le club d’Agen décida de délocaliser le
match à Armandie,
fief habituel des rugbymen agenais.
Les
dirigeants du Paris Saint-Germain, en pleine phase de
« pacification » et/ou « désertification » de ses tribunes,
craignaient que ce match dans un petit stade de province ne tourne au règlement
de compte entre supporters chassés de leur Parc des Princes. Ils demandèrent
donc à la Fédération de relocaliser le match à Bordeaux ou à Toulouse pour
mieux assurer la sécurité du public.
Bien
entendu, le club local prit cette demande comme un manque de fair-play et de
recours en appels, on ne savait toujours pas où jouer ce match à une semaine de
son coup d’envoi.
La vente de
billets se trouvait donc suspendue, victime collatérale de ce bazar
administratif.
Lorsqu’à 6
jours de l’évènement, la décision de maintenir le match à Agen avec une
sécurité renforcée fût enfin entérinée, la vente des billets pu enfin démarrer.
Il fallait
pour s’offrir les sésames, se déplacer à Agen dans l’un des 3 points de vente
crées. Je fis volontiers cet effort mais rapidement cru l’avoir fait vainement
lorsque je vis que les billets ne seraient vendus qu’aux titulaires d’une carte
d’identité délivrée dans le Lot-et-Garonne ou l’un des départements
limitrophes, et ce dans le but d’empêcher les parisiens de venir régler leurs
comptes à cette occasion.
Problème,
mes papiers d’identité ne sont pas du tout issus du sud-ouest mais délivrés par
le consulat français de Londres. Ma chance a ici été de prouver que Londres
n’était pas sur la liste des départements « bannis » par les
revendeurs de billets. De plus, la possession d’un carnet de chèque à une
adresse ariègeoise finis de convaincre les vendeuses à la rigueur
professionnelle peu remarquable.
Je repartis
donc avec 2 billets pour le spectacle du dimanche après-midi (j’avais comme
souvent invité d’office ma femme).
Le jour du
match enfin arrivé, j’arrangeais une petite découverte touristique de la ville
d’Agen pour satisfaire ma curiosité et surtout pour rendre la journée moins
difficile à supporter pour ma femme.
Première
surprise, l’alcool coule à flot. En Angleterre également vous me direz, mais
certainement pas à moins de 100 mètres des portes du stade à l’heure d’un
match.
Deuxième
surprise, pour un match classé « à risque » la présence policière se
fait discrète dans les rues bordant le stade, voire même inexistante pour gérer
le flot de voitures inhabituel se déversant dans ces même rues.
Mais ceci
est à ranger au rayon détail comparé aux
premières impressions vécues dans le stade.
Pas de
gestion des spectateurs. Des agents de sécurité sont en position pour effectuer
une fouille corporelle et font leurs travail mais aucun système de blocage des
spectateurs n’étant en place, une bonne moitié de ceux-ci se permet sans qu’on
ne leur dise rien, de passer entre deux agents pour filer vers les tribunes.
Pas de
gestion des spectateurs #2. Le stadier civil situé à l’entrée de notre accès à
la tribune nous apprend avec malice que les places réservées et numérotées dans
une tribune assise que j’avais volontairement achetées plus cher pour éviter la
cohue à ma chère femme, ne valent rien, la tribune étant « pleine ».
L’incompréhension fît vite place à l’énervement puis au dépit, comprenant que
le pauvre agent avait été parachuté ici sans aucune consigne particulière quant
à la vérification des billets des gens pénétrant dans la tribune.
Pas de
gestion des spectateurs #3. Quelques marches plus loin, nous découvrons
qu’effectivement la tribune est pleine à craquer, qu’il est inutile de chercher
un agent de sécurité pour nous montrer nos places puisqu’il n’y a pas d’agent
en tribune. De même, il est inutile d’essayer de trouver nous même ces places,
la numérotation sur nos billets semblant factice puisqu’aucun numéro ne
semblait visible sur les gradins les plus proches de nous.
Pas de
gestion des spectateurs #4. Une fois décidé à passer le match debout à la
sortie d’un couloir ou le vent gelé s’engouffrait avec plaisir, je pus
remarquer avec délectation la présence de barrières anti-invasion de terrain
aux pieds des tribunes. Vous savez ces barrières temporaires de chantier
légères qui s’emboitent aux pieds dans des socles de ciment. Ces barrières qui
se renversent à la moindre pression et encore plus facilement quand elles ne
sont pas liées entre elles, comme ce fus le cas ce jour là…
Pas de
gestion des spectateurs #5. Le déplacement de supporters parisiens ayant été
interdit, le petit carré de tribune obligatoirement réservé aux supporters
visiteurs et monté pour l’occasion, se trouvait être entièrement vide. Au lieu
de ça, on distinguait des petits groupes de supporters bleus et rouges
disséminés un peu partout dans le stade. Il ne leur fallut que quelques minutes
pour se regrouper tous ensemble juste à côté du parcage qui les aurait en temps
normal accueilli. Cela va sans dire mais ce rassemblement imprévu se fit sans
aucun encadrement sécuritaire. Heureusement ces supporters là étaient
entièrement pacifiques et passèrent leur après-midi à chanter les louanges du
nouveau plan de sécurité du club.
A part ça,
un match s’est tout de même déroulé sous nos yeux. Ce fut même un bon match ou
le petit poucet résista vaillamment à l’ogre du jour avant de finalement
s’incliner d’un petit but. Paris l’emporta 3 buts à 2 sans vraiment briller et
poursuivit sa route jusqu’à la finale où ils s’inclineront face au nouveau
champion de France lillois.
Le retour
sur Terre avait donc été violent. J’appréciais déjà énormément les multiples
charmes de ma nouvelle région mais venait seulement de réaliser à quel point
son isolement était grand sur la carte footballistique du monde.
Finis les
plaisirs d’une population qui respire le football avec son oxygène, finis les
fastes d’une ligue multimilliardaire, finis la cohésion sociale et la grande responsabilité
des clubs à l’égard des évènements qu’ils organisent.
Bienvenue
au pays de la paperasse administrative, au pays de l’extrême négligence
sécuritaire, bienvenue en France.
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