Bienvenue!

Bienvenue à tous sur mon petit cahier numérique, un peu autobiographique, au cours duquel je vais vous décrire certaines journées de mon existence. Le seul point commun entre toutes ces journées: ma présence dans un stade.


Bonne lecture et n'hésitez pas à me commenter et/ou me contacter!

jeudi 28 juin 2012

Le scandale

Clermont-Ferrand, 18 novembre 2003




            En début d’hiver, les rencontres à enjeu sont très rares. Les équipes nationales sont au repos, les compétitions européennes n’ont pas encore atteint les étapes intéressantes, les championnats sont encore loin de leur climax.
            La seule lueur dans ce triste mois de novembre venait en cette année 2003 de matchs de barrage qualificatifs pour l’euro espoir (joueurs de moins de 22 ans) de l’été suivant. En quoi ceci est-t-il passionnant?
Trois raisons à cela :
-          ces barrages sont également qualificatifs pour les jeux olympiques d’Athènes, compétition majeure pour les joueurs de moins de cet âge,
-          les deux équipes impliquées dans ce barrage présentaient ce que beaucoup de gens appellent une génération dorée avec quelques joueurs ayant déjà évolué en équipe nationale A, rappelés chez les espoirs pour l’occasion,
-          le match retour devait se disputer à Clermont-Ferrand, soit la possibilité de visiter un nouveau stade, à moins de 2 heures de route de mon domicile stéphanois.

Quelques jours de lobbying auprès de mes camarades (notamment un propriétaire d’une voiture capable de nous emmener à destination) et nous voici dès la fin des cours, sur la route de la capitale auvergnate.
Le synopsis était le suivant : l’équipe de France espoir revenait d’un match aller au Portugal avec une brillante victoire 2 buts à 1 en poche.
Des joueurs comme Philippe Mexes, Djibril Cisse, Patrice Evra ou Cristiano Ronaldo coté portugais ont alors mis de coté un match amical avec les seniors pour assurer la qualification des espoirs pour les prochaines échéances.



Le stade Gabriel Montpied n’était doté que de 2 grandes tribunes latérales, sans aucun virage ou moyen pour le public de mettre un peu plus de pression sur le gardien adverse. Le théâtre de la rencontre était cependant plein et l’ambiance très animée pour un match de cet ordre.

Sur le terrain les choses ont très vite pris une tournure nerveuse. Les portugais prirent rapidement l’avantage au score alors que les fautes se multiplièrent et les cartons commençaient à sortir facilement de la poche de l’arbitre.
Les visiteurs doublèrent la mise avant que Djibril Cissé ne réduise la marque de manière rageuse. Les équipes se trouvaient alors dos-à-dos sur l’ensemble des deux rencontres et la tension ne faisait qu’augmenter sur le terrain comme en tribune.
De manière prévisible, une petite bagarre générale impliquant joueurs et staff technique finit par se déclencher à l’autre bout du terrain, à la fin de laquelle le buteur français se fit expulser (suspendu 4 matchs, il fut privé de l’Euro seniors disputé en 2004 … au Portugal) et quelques autres joueurs avertir.

Le public, comme traditionnellement en France pour des matchs de sélection était beaucoup plus enclin à réagir à l’action se déroulant sur le terrain qu’à anticiper avec des encouragements continus.
Le scénario de la rencontre venait pour une fois justifier cette attitude. La tension ambiante empêchant réellement toute prise d’initiative détachée de ce qui se passait sous nos yeux.




Les prolongations auraient fait une très mauvaise publicité pour le football à une personne extérieure prenant la rencontre en cours. Les deux équipes ne voulaient plus prendre de risque et annihilaient rapidement toute tentative d’offensive par de l’antijeu si nécessaire.

Les tirs au but devenus inéluctables étaient finalement là. La première tentative fût déjà un fait de jeu. Nicolas Penneteau le gardien tricolore stoppa la tentative portugaise avant que l’arbitre n’ordonne de le retirer, jugeant que le portier avait quitté sa ligne de but trop tôt.
Bien évidemment, le lusitanien ne laissa pas passer sa 2e chance. Au contraire, le premier tireur français, Mexes, vit sa tentative repoussée.
Evra allait quant à lui manquer le cadre alors que les portugais allaient toucher le fond des filets à chaque tentative.

La messe était dite, les portugais verraient l’euro et les jeux olympiques, la France non.
Nous reprîmes tristement la route vers Saint-Etienne, refaisant le match durant tout le trajet, mettant en cause un arbitrage sans doute défaillant, jusqu’à finalement qualifier cette élimination de scandale.

Une courte nuit plus tard, les medias nous apprirent que la soirée ne s’était pas terminée avec notre départ de Clermont-Ferrand.
Les portugais avaient semble-t-il un peu trop laissé exploser leur joie à leur retour aux vestiaires, ravageant tout le matériel s’y trouvant, jusqu’à la présence de trous dans le plafond.
L’UEFA ouvrira une enquête concernant l’attitude des deux équipes sur les bancs de touche et dans les vestiaires.

            Le mot de la fin (plus tard sanctionné financièrement par l’UEFA) revient à celui qui entraînait alors cette équipe espoir, j’ai nommé Raymond Domenech : « Une fois de plus, nous avons connu des problèmes avec l’arbitrage ».

            Un scandale je vous dis.


vendredi 8 juin 2012

Le cri de tout un pays


Londres, 24 juin 2010


Voici une histoire atypique dans la liste que je déroule. Bien qu’il s’agisse d’un match de football, il ne sera nullement question de stade cette fois-ci. Je vous parle en effet d’un match que je n’ai même pas vu !

Comme écrit précédemment, j’ai déjà eu la chance de vivre dans un pays étranger un match de coupe du monde de cette même nation équipe étrangère (voir « L’occasion ratée »). Partager une émotion qui n’est pas sensée vous toucher avec des gens à fleur de peau pour leur sélection est très agréable (à condition de n’avoir aucun parti pris pour l’adversaire). Grâce à l’édition 2010 en Afrique du Sud, j’ai eu droit à 4 expériences de ce type en plus.
Je vivais au début de cet été 2010 mes dernières semaines en Angleterre et travaillais durant ce mois d’effervescence footballistique sur les hauteurs d’un des bâtiments saturant le ciel de la city.

L’engouement pour l’équipe nationale était très fort dans la capitale anglaise. Annoncée comme une des favorites de la compétition par les bookmakers, les fans songeaient sérieusement à obtenir leur seconde étoile, 44 ans après les héros de 1966.
Cependant Londres étant probablement la ville la plus cosmopolite au monde, on pouvait alors distinctement écouter ou observer des encouragements pour quasiment l’intégralité des nations représentées rien qu’en se promenant en centre ville.
C’est imprégné de cette ambiance mêlant chauvinisme exacerbé et délire multinational que je m’apprêtais à vivre la compétition.

Si j’avais regardé le premier match des « 3 lions » dans cette compétition depuis mon canapé (et notamment le but gag concédé par le gardien anglais) puis le 2e au pub local sans grande excitation, je ne pus me libérer de mon travail pour leur troisième match décisif de poule ayant lieu au Nelson Mandela Bay Stadium de Port Elizabeth dans l’après-midi. Sans victoire après deux matchs, les anglais n’avaient d’autre choix que de s’imposer pour voir le tour suivant.

Le chantier sur lequel j’étais à l’œuvre faisait travailler près de 1000 personnes à ce moment là mais bizarrement je ne me rendis pas compte immédiatement qu’en ce début d’après midi, les étages étaient particulièrement calmes et vidés de leurs ouvriers.

C’était jusqu’à 15h22.

La Heron Tower, c'est celle de gauche!

Soudainement un évènement a déclenché une fulgurante réaction en chaîne dans mon esprit. Je me rendis compte en l’espace d’une fraction de seconde que mon assistante et moi étions étrangement seuls au 32e étage de la tour, qu’un match de coupe du monde avait débuté, qu’il impliquait l’Angleterre et surtout qu’ils venaient d’ouvrir le score. Ma collègue polonaise qui n’a aucun intérêt envers le football nota l’événement en question et l’accueilli avec un « What was that ? » inquiet.
Cet événement était une vague sonore, une clameur en forme de raz-de-marée traversant toute la capitale d’est en ouest. Cela dura 1 voire 2 secondes avant de baisser progressivement d’intensité mais le message était aussi surprenant que clair, l’Angleterre venait de marquer.

Passé au ralentit, la bande sonore de ces quelques secondes aurait vu un début de cri collectif venant de Stratford ou peut-être même Dartford perturber le silence de cet après-midi, puis se propager à une vitesse fulgurante vers l’ouest, gagnant la city puis Westminster pour finalement recouvrir toute la ville.
Ce cri fût poussé par des milliers de fans anglais entassés dans le pub le plus proche de chez eux ou plus probablement de leur lieu de travail, lorsque l’attaquant anglais poussa le ballon au fond des filets slovènes.
L’économie du pays était probablement à l’arrêt pendant ce match ou tout du moins au ralenti. Lorsque quelques minutes plus tard je redescendis du haut de ma tour, je me rendis compte que les ouvriers étaient tous regroupés dans la cantine du chantier équipée de plusieurs écrans de télévisions. La surprise fût encore plus grande lorsque je découvris que la majeure partie des managers étaient également présente.
Seuls restaient au poste quelques sages employés ayant la double particularité de ne pas être anglais et de ne pas avoir eu envie d’utiliser cette désertion générale comme excuse pour une tranche de flemmardise.
Pourquoi ai-je eus l’impression que cette vague sonore venait de l’est pour aller vers l’ouest ? Probablement à cause du vent soufflant fort quand on se trouve à 200m au dessus du niveau de la route. Ou bien peut-être avais-je découvert un décalage dans la vitesse de diffusion des ondes émises par les satellites gigotants autour de la Terre ?

Quelques jours plus tard, si j’avais été sur ma tour, j’aurai peut-être pu entendre les cris de rage ou les complaintes du peuple anglais à l’occasion de leur sévère élimination en huitièmes de finale.
Cette expérience auditive me souleva vraiment le cœur. Plus que toute autre réaction collective vécue dans un stade ? Peut-être bien. Il ne s’agissait pas ici de 30, 40 ou 50.000 spectateurs, mais bien du cri de tout un pays.