Bienvenue!

Bienvenue à tous sur mon petit cahier numérique, un peu autobiographique, au cours duquel je vais vous décrire certaines journées de mon existence. Le seul point commun entre toutes ces journées: ma présence dans un stade.


Bonne lecture et n'hésitez pas à me commenter et/ou me contacter!

vendredi 3 février 2012

La frustration


Saint-Etienne, 31 mai 2002


            Début d’été 2002, 4 ans après une victoire à domicile, les bleus allaient tenter de doubler la mise à l’extérieur au Japon et en Corée du Sud. L’histoire débuta au Seoul World Cup Stadium et s’annonçait fameuse pour la France.
            Désignée archi-favorite par les bookmakers du monde entier après ses campagnes triomphantes de 1998 (coupe du monde), 2000 (Euro) et 2001 (Coupe des confédérations), elle arriva de plus avec un potentiel offensif surpassant allègrement celui d’il y a 4 ans (Stéphane Guivarc’h ou le seul avant-centre titulaire d’une équipe championne du monde à n’avoir jamais marqué en coupe du monde…). Le meilleur buteur des derniers championnats d’Angleterre, d’Italie et de France étaient notamment prêts à en découdre.

            Malheureusement, de jeunes débutants vinrent surprendre la grande équipe de France lors du match d’ouverture. Puis une accrocheuse sélection « celeste » força les bleus à se contenter d’un unique point après deux matchs dans ce premier tour.
Pas de panique ! Il suffisait aux bleus de se réveiller et de remporter le dernier match par 2 buts d’écart pour garantir son passage au second tour. Pour cela, la France pouvait même compter sur le retour de son sauveur au numéro 10 floqué dans le dos, qui venait de se remettre d’une blessure à la cuisse.
En somme, un match à élimination directe avec un but de handicap était sur le point de débuter.

            De mon coté, vous vous en doutez bien, ce n’est pas encore à cette occasion que j’ai pu assouvir mon rêve de vivre une coupe du monde de l’intérieur. Trop loin, trop cher et surtout, trop occupé par des examens…
            En deuxième année de classe préparatoire intégrée à une école d’ingénieurs en génie civil, vous avez affaire à certaines matières pour lesquelles vous avez du mal à vous passionner. L’histoire de l’économie en est une.
            Quand en plus le professeur est également le directeur des études et que la matière est éliminatoire en cas de mauvaise note, vous ne pouvez pas faire l’impasse sur un de ces examens.

            Le grand problème se présenta au visage de mes camarades et moi lorsque les deux évènements furent programmés à la même heure…
            Après de vaines tentatives de modification des agendas (surtout celui des examens, on aurait bien écrit à la FIFA pour modifier l’horaire du match mais l’espoir était trop mince pour investir dans un timbre international), nous voici réunis le mardi 11 juin 2002 à 7h 45 du matin pour 3 heures de dissertation économique.
            Bien entendu, le règlement attribuant une note éliminatoire à tout élève quittant la salle avant que la moitié du temps imparti soit écoulé, il était impossible de gribouiller quelques brefs commentaires pour envisager de profiter tranquillement de la deuxième mi-temps.
            Le plan était alors le suivant : enregistrement du match pour diffusion en léger différé dans une salle voisine de la salle d’examen afin d’éviter tout contact avec la civilisation sur le chemin. Infaillible.



            Ce n’est que quelques secondes avant de découvrir nos sujets que nous réalisâmes que d’autres que nous avaient eu cette idée géniale. L’examen d’économie en moins.
            La rumeur de l’autre coté du mur devint rapidement un brouhaha nous certifiant que certains étudiants avaient décidé de regarder en direct cette fameuse rencontre dans la salle voisine que nous nous étions réservé pour la suite.
            La garantie de ne pas entrer en contact avec quiconque capable de briser notre suspense était devenue caduque. Il était clair que nous allions interpréter malgré nous le moindre son provenant de la salle voisine.

            L’examen d’économie, déjà peu emballant devint une véritable torture pour une bonne partie de ma classe (la découverte des sujets permis à la partie restante de partager ce sentiment de torture avec nous).

            Les deux heures suivantes ne nous laissèrent aucun doute. Les cris de colère succédaient aux soupirs de désespoir. La situation semblait très mal engagée.
            Environ deux heures plus tard, notre devoir d’étudiant accompli, nous nous retrouvâmes dans la salle voisine et nous mettions d’accord pour dire qu’il valait mieux aller observer cette débâcle certaine dans un canapé avec une bière à la main plutôt que dans une triste salle de classe, même si cela impliquait de devoir affronter cette civilisation étant capable de sceller nos dernier espoirs naïfs à tout moment.

            Peu après, nous étions à notre tour sujet à la vocifération de multiples insultes relayées par de profonds soupirs en assistant finalement au triste spectacle délivré par l’équipe nationale.
            Une défaite par deux buts d’écarts nous attendit quatre-vingt-dix minutes plus tard en lieu et place de la victoire tant espérée.
            La coupe du monde était terminée pour les supporters français dans l’incompréhension la plus totale. L’équipe la plus attendue du tournoi n’aura même pas pu inscrire un but en trois matchs malgré la présence de joueurs acclamés dans leurs championnats respectifs.

            Quatre ans après avoir vécu de loin le triomphe de mon équipe nationale dans mon pays, j’ai été contraint de vivre la déroute de celle-ci par procuration.
            La question de savoir si la joie apportée par une victoire est plus intense que la peine délivrée par une défaite restera sans réponse encore une fois. Seule la frustration reste.
Une chose est sure, on ne m’y reprendra plus.