Bienvenue!

Bienvenue à tous sur mon petit cahier numérique, un peu autobiographique, au cours duquel je vais vous décrire certaines journées de mon existence. Le seul point commun entre toutes ces journées: ma présence dans un stade.


Bonne lecture et n'hésitez pas à me commenter et/ou me contacter!

mercredi 16 mai 2012

Aux chiottes l’arbitre !


Preignan, 11 mai 2012


Une fois n’est pas coutume, ce paragraphe ne mentionnera aucun stade, aucune tribune, et surtout mon point d’observation de la rencontre ne se situera pas en dehors des limites du terrain mais bien à l’intérieur de celles-ci. Et en plus je serai ici intégralement vêtu de noir...

Ayant depuis peu réalisé que ma carrière de footballeur professionnel avait été tuée dans l’œuf à la veille de son éclosion par deux sévères blessures au genou, je me suis mis en quête d’un substitut psychologique à cette activité que j’ai maintenant peur de pratiquer.
Sur une suggestion avisée (et qu’elle regrette déjà) de ma femme, je décidai de tenter ma chance dans le monde de l’arbitrage. Après tout, il s’agissait toujours de football, de longues courses vaines et d’adrénaline et ceci sans que ma technique précaire puisse être exposée aux yeux de tous! Une brillante idée en somme !

Je me rendis naïvement au bureau du district du Gers au début du mois d’avril pour prendre des renseignements sur les formalités à préparer dans l’optique d’une inscription pour la saison suivante.
J’avais alors très largement sous-estimé le besoin en arbitres qu’ont les différents districts et ligues de France. Lorsqu’un volontaire se présente, ils ne lui laissent aucune chance de changer d’avis !
La semaine suivant ma prise de contact, j’étais en formation, celle d’après me vit passer un examen théorique, la dernière semaine d’avril me permit de recevoir ma licence et d’être désigné pour la première rencontre disponible dans le calendrier du championnat local. Finalement il se sera écoulé moins de 5 semaines entre ma prise de renseignements et mon premier match officiel. Impossible d’avoir le temps de changer d’avis…

Ma première sortie était prévue pour un vendredi soir en match avancé de l’antépénultième journée du groupe A du championnat de première division du district du Gers (le 10ème échelon national sur 11 possibles quand vous êtes un club du Gers).
Je devais pour ma première sortie être accompagné d’un superviseur qui allait m’assister dans mes démarches administratives puis m’observer officier (tout en étant prêt à intervenir en cas de gros dérapage de ma part) avant de me présenter un bilan de ma performance.
Bien qu’étant convaincu qu’il s’agissait d’une mauvaise idée, je ne pus m’empêcher de vérifier la situation sportive des deux clubs engagés dans cette rencontre. Le club recevant situé dans le fameux ventre mou de la division n’avait plus rien à espérer de cette fin de championnat. Le club visiteur en revanche caracolait en tête du groupe et n’avait plus besoin de grand-chose pour officialiser sa promotion vers la division supérieure.
Il y avait donc un enjeu à cette rencontre. Dommage pour moi… Cette découverte ne fit qu’augmenter le stress qui me gagnait progressivement depuis quelques jours…

Le règlement officiel impose aux arbitres des rencontres de ce niveau d’être présent au moins une heure avant l’heure programmée pour la rencontre. Bien qu’ayant été extrêmement prévoyant, un incroyable et incompréhensible bouchon de 20 minutes dans un village habituellement paisible me fit arriver sur place à 20h02 pour un coup d’envoi prévu à 21h00.
Cela aurait pu être sans effet s’il n’y avait pas eu de superviseur m’attendant patiemment en regardant sa montre. Cette attitude me fit immédiatement réaliser une erreur bien plus grave de ma part : j’avais oublié ma montre à la maison! Heureusement, mon superviseur était là pour faire également office de chronométreur.
Le stress qui m’oppressait était maintenant énorme. La succession des tâches à effectuer me permit de ne pas me déconcentrer pour autant : vérification de l’état du terrain, du tracé des lignes, de la robustesse des buts et des filets, de l’état du ballon officiel, puis habillage partiel pour aller s’échauffer suivi d’un contrôle des licences et du remplissage de la feuille de match avant de convoquer successivement les capitaines, les arbitres assistants volontaires et les délégués officiels pour signer ce document puis pour recevoir quelques brèves consignes.
L’heure était enfin venue de pénétrer sur le terrain en tenue noire pour la première fois de ma carrière. Après seulement quelques pas à l’extérieur, je me rendis compte que la partie inférieure de mon maillot n’avait pas eu le temps de pénétrer dans mon short. La faute fut corrigée en arrivant au rond central. Un regard échangé avec mon superviseur me fit comprendre que cela ne lui avait pas échappé non plus…



Une suée de stress supplémentaire pointa le bout de son nez lorsque dans la pénombre caractérisant le moment où le soleil se couche et où les projecteurs peinent à se mettre en action, je dus effectuer le « toss » (tirage au sort) avec une piécette officielle bicolore rouge et noire. La luminosité et mon handicap visuel aidant j’étais incapable de différentier les deux faces. Heureusement, les deux capitaines parlèrent pour moi et tout le monde se mis en place tranquillement.
(Note : les équipes évoluaient avec des tenues bien distinctes à mes yeux, rose pale d’un coté, rouge vif de l’autre. Ouf!)

Mon premier coup de sifflet résonna fort dans la campagne gersoise. Enfin c’est ce que je crus. Il ne fallut que quelques minutes aux différents protagonistes pour me faire remarquer que tout le monde avait du mal à entendre mes interventions…
Je ne voulais pas croire tous les arbitres avec qui j’avais précédemment parlé lorsqu’ils m’affirmaient que j’aurai beaucoup de difficultés à siffler pour mon premier match. A l’issue de ma première mi-temps, je dus me rendre à l’évidence puisque mon stress combiné à une expérience du football amateur anglais (où quasiment tous les coups sont permis) encore trop fraîche dans ma mémoire fit que certains joueurs commençaient à s’énerver de ne voir que peu de fautes sanctionnées d’un coup franc.
Cependant j'ai du quand même intervenir une fois pour délivrer le premier avertissement de ma carrière à l’encontre d’un joueur local coupable d’un tacle dangereux. Rien de problématique sauf qu’avec des doigts tremblants, le premier carton qui sortit de ma poche avait la couleur rouge… Je rectifiais rapidement mon geste avant que quelqu’un ne s’emporte… (Note pour plus tard : toujours laisser le carton rouge seul dans une autre poche…)

La deuxième mi-temps débutait et je me sentais clairement plus en confiance : le coup de sifflet était plus net, les décisions mieux justifiées et le placement plus judicieux.
Le seul problème était que le score était d’un but partout, ce qui ne plaisait pas aux visiteurs qui avaient prévu d’aller fêter leur promotion au festival des bandas de Condom le soir même. Et dans ce but, il leur fallait impérativement une victoire.

La rencontre était clairement plus nerveuse, les contacts plus violents et le souvenir de ma discrète prestation de la première mi-temps bien présent dans les mémoires des joueurs.
Ceux-ci ont bien entendu tenté de profiter de mon inexpérience en se plaignant, râlant et provoquant à tour de bras. De véritables tentatives d’intimidation qui n'ont eu que peu d’effet. Il fallait donc essayer d’être très présent sur tout éventuel contact et essayer de ne rien laisser passer.
Quarante-cinq minutes plus tard, le bilan était tout de même de deux coups de pied de réparation accordés aux visiteurs, d’un carton jaune pour comportement antisportif, d’un autre pour désapprobation en paroles et d’un carton rouge direct pour comportement violent (bousculade sur un joueur venant de marquer ayant soi-disant tenté en guise de célébration de provoquer verbalement les 5 supporters présent dans le stade).

Mon superviseur/chronométreur me fit signe que le temps du triple coup de sifflet était venu, les joueurs rentrèrent sans difficultés au vestiaire et vinrent quasiment tous me serrer la main pour me souhaiter bon courage, malgré ma prestation très hésitante.
Une douche et quelques formalités administratives plus tard (incluant la réception d’un chèque de 61€ en guise de défraiement), il ne me restait plus qu’à débriefer calmement la soirée en compagnie des deux capitaines et de mon observateur principal.
Si l’on omet les quelques fautes impardonnables (retard, montre, maillot…) qui ne se reproduiront jamais (faites moi confiance), je notais qu’il allait falloir clairement insister sur ma communication auditive, tant en paroles qu’en coups de sifflet.
Communiquer plus avec les joueurs pour expliquer mes décisions et calmer les ardeurs mais aussi moduler l’intensité de mon souffle pour immédiatement faire comprendre aux joueurs et aux observateurs extérieurs la gravité de la faute signalée.

Enfin, je réalisai une autre erreur capitale :
Dans le monde professionnel, un arbitre central a une confiance aveugle envers ses assistants et peut donc se contenter de parcourir la diagonale du terrain opposée à ceux-ci.
Dans le monde amateur où l'on se trouve avec des assistants bénévoles représentant les clubs en train de jouer, il me fallait couvrir l’intégralité du terrain et ne pas compter sur ces assistants.

Le lendemain matin après avoir mis beaucoup de temps à m’endormir, j'ai du retourner à la paperasse administrative et rédiger mon premier rapport écrit complet concernant l’exclusion directe qui accompagnera le joueur lors de son passage en commission d’arbitrage. La clémence était de mise en considérant que le joueur exclu avait finalement quitté le terrain sans difficulté puis était venu s’excuser et reconnaître son emportement à l’issue de la rencontre.

Finalement cette rencontre fut sans aucun doute la plus stressante de ma carrière de joueur/supporter/arbitre. Bien que les difficultés furent nombreuses, tout comme les insultes vaguement entendues au loin sur le pré (incluant le très fameux « aux chiottes l’arbitre »), celle-ci ne m’ont pas effrayé assez pour m’empêcher de revenir le weekend prochain !