Londres, 24 juin 2010
Voici une histoire atypique dans
la liste que je déroule. Bien qu’il s’agisse d’un match de football, il ne sera
nullement question de stade cette fois-ci. Je vous parle en effet d’un match
que je n’ai même pas vu !
Comme écrit précédemment, j’ai
déjà eu la chance de vivre dans un pays étranger un match de coupe du monde de
cette même nation équipe étrangère (voir « L’occasion ratée »).
Partager une émotion qui n’est pas sensée vous toucher avec des gens à fleur de
peau pour leur sélection est très agréable (à condition de n’avoir aucun parti
pris pour l’adversaire). Grâce à l’édition 2010 en Afrique du Sud, j’ai eu
droit à 4 expériences de ce type en plus.
Je vivais au début de cet été
2010 mes dernières semaines en Angleterre et travaillais durant ce mois
d’effervescence footballistique sur les hauteurs d’un des bâtiments saturant le
ciel de la city.
L’engouement pour l’équipe
nationale était très fort dans la capitale anglaise. Annoncée comme une des
favorites de la compétition par les bookmakers, les fans songeaient
sérieusement à obtenir leur seconde étoile, 44 ans après les héros de 1966.
Cependant Londres étant
probablement la ville la plus cosmopolite au monde, on pouvait alors
distinctement écouter ou observer des encouragements pour quasiment
l’intégralité des nations représentées rien qu’en se promenant en centre ville.
C’est imprégné de cette ambiance
mêlant chauvinisme exacerbé et délire multinational que je m’apprêtais à vivre
la compétition.
Si j’avais regardé le premier
match des « 3 lions » dans cette compétition depuis mon canapé (et notamment
le but gag concédé par le gardien anglais) puis le 2e au pub local
sans grande excitation, je ne pus me libérer de mon travail pour leur troisième
match décisif de poule ayant lieu au Nelson Mandela Bay Stadium de Port Elizabeth dans l’après-midi.
Sans victoire après deux matchs, les anglais n’avaient d’autre choix que de
s’imposer pour voir le tour suivant.
Le chantier sur lequel j’étais à
l’œuvre faisait travailler près de 1000 personnes à ce moment là mais
bizarrement je ne me rendis pas compte immédiatement qu’en ce début d’après
midi, les étages étaient particulièrement calmes et vidés de leurs ouvriers.
C’était jusqu’à 15h22.
Soudainement un évènement a
déclenché une fulgurante réaction en chaîne dans mon esprit. Je me rendis
compte en l’espace d’une fraction de seconde que mon assistante et moi étions
étrangement seuls au 32e étage de la tour, qu’un match de coupe du
monde avait débuté, qu’il impliquait l’Angleterre et surtout qu’ils venaient
d’ouvrir le score. Ma collègue polonaise qui n’a aucun intérêt envers le
football nota l’événement en question et l’accueilli avec un « What was
that ? » inquiet.
Cet événement était une vague
sonore, une clameur en forme de raz-de-marée traversant toute la capitale d’est
en ouest. Cela dura 1 voire 2 secondes avant de baisser progressivement
d’intensité mais le message était aussi surprenant que clair, l’Angleterre
venait de marquer.
Passé au ralentit, la bande
sonore de ces quelques secondes aurait vu un début de cri collectif venant de
Stratford ou peut-être même Dartford perturber le silence de cet après-midi,
puis se propager à une vitesse fulgurante vers l’ouest, gagnant la city puis
Westminster pour finalement recouvrir toute la ville.
Ce cri fût poussé par des
milliers de fans anglais entassés dans le pub le plus proche de chez eux ou
plus probablement de leur lieu de travail, lorsque l’attaquant anglais poussa
le ballon au fond des filets slovènes.
L’économie du pays était
probablement à l’arrêt pendant ce match ou tout du moins au ralenti. Lorsque
quelques minutes plus tard je redescendis du haut de ma tour, je me rendis
compte que les ouvriers étaient tous regroupés dans la cantine du chantier
équipée de plusieurs écrans de télévisions. La surprise fût encore plus grande
lorsque je découvris que la majeure partie des managers étaient également
présente.
Seuls restaient au poste quelques
sages employés ayant la double particularité de ne pas être anglais et de ne
pas avoir eu envie d’utiliser cette désertion générale comme excuse pour une
tranche de flemmardise.
Pourquoi ai-je eus l’impression
que cette vague sonore venait de l’est pour aller vers l’ouest ?
Probablement à cause du vent soufflant fort quand on se trouve à 200m au dessus
du niveau de la route. Ou bien peut-être avais-je découvert un décalage dans la
vitesse de diffusion des ondes émises par les satellites gigotants autour de la
Terre ?
Quelques jours plus tard, si
j’avais été sur ma tour, j’aurai peut-être pu entendre les cris de rage ou les
complaintes du peuple anglais à l’occasion de leur sévère élimination en
huitièmes de finale.
Cette expérience auditive me souleva vraiment le cœur. Plus que toute
autre réaction collective vécue dans un stade ? Peut-être bien. Il ne
s’agissait pas ici de 30, 40 ou 50.000 spectateurs, mais bien du cri de tout un
pays.
T'es bon Aurel !
RépondreSupprimerMerci m'sieur!
SupprimerJ en ai même la larme!
RépondreSupprimerJ ai eu l impression d etre au coeur de l action, d etre dans la tour aupres de toi, tant le recit est prenant: c est la 1ere fois qu un commentaire sportif me donne la chair de poule.
RépondreSupprimertu pourrais ecrire des nouvelles des histoires policieres, .....TU ES DOUE