Bienvenue!

Bienvenue à tous sur mon petit cahier numérique, un peu autobiographique, au cours duquel je vais vous décrire certaines journées de mon existence. Le seul point commun entre toutes ces journées: ma présence dans un stade.


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jeudi 22 mars 2012

La dernière


Dublin, 7 septembre 2005


Le 7 septembre marque pour moi la fin de plusieurs choses importantes.
Personnellement, ce jour là je quittais Londres après 8 mois mémorables au cours desquels j’ai notamment pu me familiariser avec le football anglais, ses stades et ses fans.
Sportivement, ce jour voyait un de ses monuments délivrer son dernier souffle. Le mythique stade de Lansdowne Road allait accueillir son ultime évènement avant d’être rasé pour laisser place à une enceinte moderne aseptisée mais sure et lucrative.
Ces deux évènements confrontés, je n’eus plus le choix et dû me rendre à Dublin en compagnie de milliers d’autres gens pour saluer une dernière fois le condamné.

            L’aventure avait en fait commencé quelques mois auparavant lorsque certains membres d’un forum internet de discussion sur le monde des tribunes, partant du principe que l’équipe nationale ne bénéficiait pas du soutient qu’elle méritait, émirent l’idée de créer un vrai groupe de supporters à tendance ultra pour soutenir les bleus.
            Le premier rendez-vous de ces motivés éparpillés sur le territoire français, fut pris pour ce mois de septembre et une rencontre décisive pour déterminer qui de l’Irlande ou de la France obtiendrait son billet pour la prochaine coupe du monde.
            Chacun d’entre nous assuma le fardeau de devoir négocier l’obtention de billets pour ce match avec l’inorganisée Fédération Française de Football. Le besoin de voir ces billets expédiés en Angleterre à mon adresse de l’époque, ne facilita bien entendu pas ma tâche.
            Malgré tout, les UF05 étaient en route vers leur premier rassemblement.

            Ce 7 septembre, je ne pris donc pas l’avion pour Saint-Etienne et cette école qui m’attendait. Je pris plutôt la direction de la capitale irlandaise où je devais retrouver les co-supporters que je ne connaissais alors que virtuellement.
            Certains d’entre eux étaient déjà là depuis la veille. L’un d’entre eux, notre leader non officiel, était déjà dans l’avion de retour lorsque le mien atterrissait.
            Notre leader avait eu le malheur de tomber durant la première veillée, sur un troupeau de bêtes stupides qui l’avaient contraint au départ forcé, n’ayant plus la motivation ou l’envie de s’éterniser.
            Les bestiaux étaient un groupe de supporters indépendants du KOB (Kop Of Boulogne) et le leader était un fan marseillais. Le deuxième avait parfaitement compris que pour un rassemblement de l’équipe nationale, nos engagements en club n’avaient pas d’importance tandis que les bêtes sauvages n’en n’avaient rien à faire.

            Je rejoignis les membres restant de notre club spontané qui au fur et à mesure de la journée, et des pubs visités, s’approchait de sa composition finale. En fin d’après-midi, ce fût une quinzaine d’alliés qui prirent la direction du sud-est de la ville pour rejoindre le quartier de Lansdowne Road.
            Lansdowne Road, nom d’un stade, une rue mais également une station de train. Une station bien particulière puisque en partie recouverte par la tribune ouest du stade. La photographie est très connue mais fait toujours sourire, montrant des milliers de fans s’exciter pendant que de simple voyageurs situés juste en-dessous prient pour que la couverture en béton ne s’effondre pas sous le poids et les vibrations.

            Durant notre tournée pré-match nous croisons le groupe de bestiaux déjà cité, prenant bien soin d’éviter de croiser leur chemin, puis un autre groupe à l’attitude très différente.
            Ce groupe était principalement connu par le biais d’un homme et d’un animal que je rencontrais alors pour la première fois : Clément d’Antibes et son coq. Le vieil homme et ses acolytes étaient jusqu’ici l’unique preuve vu de l’étranger, que « les bleus » avaient quelques supporters. Une image un peu désolante je vous l’accorde.
            Ce qu’on ne peut pas reprocher à ces types là est surement leur engagement. Depuis des années, ils parcourent le globe au même rythme que notre équipe nationale.
            Ce qu’on peut leur reprocher (du moins au noyau dur de ce groupe) est leur attitude rétrograde, voire aigrie vis-à-vis de potentiels supporters ultras tels que nous. Le dialogue fut vite rompu, comme lorsque vous décidez de tailler une haie mitoyenne et que le voisin au teint imbibé de vin de table râle parce qu’il préfère sa haie touffue…


           Les préliminaires passés, il fût temps de rejoindre notre tribune : la fameuse west stand. Les gradins, car il s’agissait alors de véritable gradins sans siège, à la forme tronquée pour cause de voie ferrée, étaient pleins à craquer.
Cette densité exceptionnelle d’êtres humains me fit frémir. Elle provoqua une sensation très courante dans les échoppes de Temple Bar mais qu’il est difficile de retrouver dans un stade de football moderne.
L’ambiance dans notre tribune visiteur me surpris. En effet elle était très dynamique, bien que complètement désorganisée. Seul « le groupe des supporters de l’équipe de France » avait à sa tête une espèce de chef d’orchestre dictant les lancements de la seule chanson du répertoire : « Aller les bleus ».

La rencontre elle était très tendue, nerveuse entre deux équipes au niveau très proche ce jour là.
            Jusqu’à la 68e minute et ce trait de génie de Thierry Henry : une frappe enroulée du pied droit, une trajectoire au rayon de courbure incroyablement petit et une délivrance pour tous les fans français.
            Ce but restera longtemps gravé dans ma mémoire de part son importance, sa précision mais également à cause du point de vue formidable dont je bénéficiais. Derrière les filets qui tremblèrent, parfaitement situé dans l’axe de la course empruntée par le ballon.
            Par chance une caméra de télévision se trouvait elle aussi exactement sur cet axe mais de l’autre coté du buteur. Ce qui fait que sur chacun des milliers de ralentis diffusés de ce but là, je peux apercevoir distinctement la position de mes compagnons et moi !

            La suite demeure elle aussi mémorable, la nuit qui s’en suivit nous fit aller de pub en pub, à savourer avec la population irlandaise ce qui restera dans les mémoires comme un grand match de football digne d’une dernière représentation dans un grand théâtre.
Au petit matin lorsque je montai dans le premier bus me menant à l’aéroport, je ne pu m’empêcher de penser tristement aux pelles mécaniques qui devaient déjà se préparer à démolir l’ouvrage.

Pour une dernière, ce fut une belle dernière.

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