C’était mon premier séjour en Angleterre depuis que je
n’y habitais plus. J’étais là pour célébrer pendant 3 jours le départ d’une de
mes meilleures amies qui à son tour après de longues années chez les
roastbeefs, retournait vivre sa vie en France.
Cependant, j’avais parfaitement planifié mon timing
pour me permettre de faire un pas de plus en avant dans mon tour des stades de
football professionnels londoniens. L’étape du jour me mena dans les bas-fonds
de la first division (troisième échelon professionnel), à Victoria Road, antre de
Dagenham & Redbridge.
Historiquement, ce club n’est pas grand-chose :
né en 1992 de la fusion de 2 clubs eux même nés de la fusion d’autres clubs
locaux… Ils atteignent cette année le plus haut niveau de leur courte histoire
mais à l’heure du coup d’envoi se trouvaient en position de premier relégable,
un point derrière Notts County, leur adversaire du jour.
L’après midi débuta - pour moi et mon acolyte
séjournant habituellement le samedi parmi les Magic Fans stéphanois – à Liverpool Street Station où nous espérions
rejoindre un ami anglais avant de monter dans le train filant vers l’est. Mal
remis d’une soirée trop arrosée la veille, il ne se montra jamais, mais cela
nous laissa le temps d’apprécier la vague multicolore qui déferle sur une des
plus grande gare de la ville à quelques heures du traditionnel coup d’envoi du
samedi après-midi sur de nombreuses pelouses de la ville. Tous les supporters
« extérieurs » se rendant en visite dans un stade de la capitale se
croisaient dans cette gare. La variété des couleurs de maillots présentés avait
de quoi perturbé aisément des yeux daltoniens…
La deuxième étape nous mena à Romford où je retrouvais
un ancien collègue pour quelques pintes de mise en appétit. Celui-ci étant un
véritable East London Cockney Boy, me confirma qu’il ne valait mieux pas
trainer dans le quartier de Dagenham à la nuit tombée, celui-ci n’étant pas
réputé pour son ordre et son chic nocturne. On ne trainera donc pas au coup de
sifflet final…
L’apéritif nous mit bien entendu en retard sur l’heure
d’arrivée prévue à Victoria Road Stadium qui se trouvait coincé au milieu d’un
bloc de maisons pas très reluisant… Le coup d’envoi avait déjà été donné, la
billetterie etait fermée, et ce fut donc au pub servant de club-house aux
Daggers que je récupèrai mes billets.
Entrée au stade en cours de match, nous nous fîmes
discrets et nous nous assîmes là où nos billets commandés un peu au hasard nous
dictaient d’aller : en tribune latérale « Carling ». L’alcool
n’est plus servi dans les stades professionnels anglais depuis quelques temps
mais les commerciaux savent toujours bien se placer.
Le match se déroulait sous nos yeux et les premières
impressions ne tardèrent pas :
Dans la tribune, l’ambiance était très calme, celle-ci
étant majoritairement composée d’anciens, peu réactifs. La tribune visiteur etait
garnie à moitié, la latérale opposée semblait également calme. En revanche, un
peu d’agitation semblait venir de la « Bury Road End » qui était à ma
grande surprise une « stand » à l’ancienne, sans sièges. En effet la
législation britannique oblige uniquement les clubs des deux premières
divisions à n’avoir que des places assises dans leur stade.
Sur le terrain, les 22 joueurs me confirmèrent ce que
j’avais déjà remarqué auparavant : il y a un gouffre au niveau technique
entre la premier league et les « lower leagues ». Le kick & rush
est toujours vivant et mieux vaut être bâti comme Jan Koller que comme Lionel
Messi… L’ouverture du score des Daggers fut d’ailleurs parlante : longue
balle en cloche sur l’aile droite de la part du défenseur central, reprise de volée
par l’ailier pour un centre en cloche dans les six mètres repris faiblement du
plat du pied par l’avant-centre mais assez puissamment au goût du gardien
adverse qui décida de laisser passer.
Un homme chez les Daggers cumulait ce jour-là la somme
des notes techniques fournies dans championship manager pour tous ses
coéquipiers. Après enquête, il se nomme Danny Green et était alors un jeune
milieu de terrain anglais agréable à voir jouer. Il était ce jour là l’auteur
de deux buts, un très beau coup-franc suivi d’un penalty, et semblait également
être le seul joueur à être capable de réussir un contrôle enchaîné d’une passe
correcte. On en était à 3-0 à la mi-temps et il avait fallu pour ça 3 occasions
de but seulement. En prime un défenseur central adverse avait été expulsé. Game
over.
De l’autre coté, celui que l’on avait le plus remarqué
était l’avant centre (au profil de Jan Koller) qui se distinguait par un bon
jeu de tête, un mauvais jeu de pieds et surtout un jeu de lèvres brillant. Il
passa tout le match à vociférer après tout le monde : gardien adverse,
défenseurs, arbitres mais également ses coéquipiers et son entraineur. Après
enquête, il s’agissait de Lee Hughes, capitaine en fin de carrière et ayant
déjà fait plusieurs passages en prison.
La mi-temps venue, faute de bières, on visita la
boutique du club et ses produits dérivés au design très discutable, même pour
un daltonien. On en profita également pour se faufiler au cœur de la
« Bury Road End » exposée plein sud sous un magnifique soleil et
relativement plus vivante que les autres tribunes.
Si le match devint ensuite ennuyeux, juste un but de
consolation à se mettre sous la dent pour Notts County pour un score final de
3-1, l’activité en tribune se développa.
La tribune en question, très populaire, est entièrement
composée de familles du quartier dont aucun membre ne sera jamais un grand
cerveau de ce monde. L’accent east londonien plus le vocabulaire
populo-footballistique est un mélange pouvant aisément choquer les plus
sensibles, surtout lorsque cela provient d’une vieille dame ou d’une petite
fille d’à peine 10 ans…
Le spectacle sur le terrain ne les passionnant guère
ils se rabattaient sur leurs téléphones portables pour se tenir au courant de
la déroute du voisin West Ham à Bolton ce jour-là.
La plupart d’entre eux sont également supporters de
West Ham United, celui-ci étant le « grand » club de la banlieue est,
mais souhaitaient vivement leur relégation à la fin de l’année afin de pouvoir
se délecter d’au moins deux oppositions face à leurs meilleurs amis de Millwall
la saison suivante en Championship… (la fin de championnat leur donna raison,
il y aura bien deux oppositions à très haut risque l’an prochain)
Le match s’acheva et comme conseillé, nous ne trainâmes
pas et rejoignîmes rapidement le centre de Londres tout en rediscutant de cette
plongée dans l’Angleterre profonde aussi bien au niveau social que sportif.
This
is England.