Saint-Etienne, 31 mai 2002
Début
d’été 2002, 4 ans après une victoire à domicile, les bleus allaient tenter de
doubler la mise à l’extérieur au Japon et en Corée du Sud. L’histoire débuta au Seoul World Cup Stadium et s’annonçait fameuse pour la France.
Désignée
archi-favorite par les bookmakers du monde entier après ses campagnes
triomphantes de 1998 (coupe du monde), 2000 (Euro) et 2001 (Coupe des
confédérations), elle arriva de plus avec un potentiel offensif surpassant
allègrement celui d’il y a 4 ans (Stéphane Guivarc’h ou le seul avant-centre
titulaire d’une équipe championne du monde à n’avoir jamais marqué en coupe du
monde…). Le meilleur buteur des derniers championnats d’Angleterre, d’Italie et
de France étaient notamment prêts à en découdre.
Malheureusement,
de jeunes débutants vinrent surprendre la grande équipe de France lors du match
d’ouverture. Puis une accrocheuse sélection « celeste » força les
bleus à se contenter d’un unique point après deux matchs dans ce premier tour.
Pas de
panique ! Il suffisait aux bleus de se réveiller et de remporter le
dernier match par 2 buts d’écart pour garantir son passage au second tour. Pour
cela, la France pouvait même compter sur le retour de son sauveur au numéro 10 floqué
dans le dos, qui venait de se remettre d’une blessure à la cuisse.
En somme, un
match à élimination directe avec un but de handicap était sur le point de
débuter.
De
mon coté, vous vous en doutez bien, ce n’est pas encore à cette occasion que
j’ai pu assouvir mon rêve de vivre une coupe du monde de l’intérieur. Trop
loin, trop cher et surtout, trop occupé par des examens…
En
deuxième année de classe préparatoire intégrée à une école d’ingénieurs en
génie civil, vous avez affaire à certaines matières pour lesquelles vous avez
du mal à vous passionner. L’histoire de l’économie en est une.
Quand
en plus le professeur est également le directeur des études et que la matière
est éliminatoire en cas de mauvaise note, vous ne pouvez pas faire l’impasse
sur un de ces examens.
Le
grand problème se présenta au visage de mes camarades et moi lorsque les deux
évènements furent programmés à la même heure…
Après
de vaines tentatives de modification des agendas (surtout celui des examens, on
aurait bien écrit à la FIFA pour modifier l’horaire du match mais l’espoir
était trop mince pour investir dans un timbre international), nous voici réunis
le mardi 11 juin 2002 à 7h 45 du matin pour 3 heures de dissertation
économique.
Bien
entendu, le règlement attribuant une note éliminatoire à tout élève quittant la
salle avant que la moitié du temps imparti soit écoulé, il était impossible de
gribouiller quelques brefs commentaires pour envisager de profiter tranquillement
de la deuxième mi-temps.
Le
plan était alors le suivant : enregistrement du match pour diffusion en
léger différé dans une salle voisine de la salle d’examen afin d’éviter tout
contact avec la civilisation sur le chemin. Infaillible.
Ce
n’est que quelques secondes avant de découvrir nos sujets que nous réalisâmes
que d’autres que nous avaient eu cette idée géniale. L’examen d’économie en
moins.
La
rumeur de l’autre coté du mur devint rapidement un brouhaha nous certifiant que
certains étudiants avaient décidé de regarder en direct cette fameuse rencontre
dans la salle voisine que nous nous étions réservé pour la suite.
La
garantie de ne pas entrer en contact avec quiconque capable de briser notre
suspense était devenue caduque. Il était clair que nous allions interpréter
malgré nous le moindre son provenant de la salle voisine.
L’examen
d’économie, déjà peu emballant devint une véritable torture pour une bonne
partie de ma classe (la découverte des sujets permis à la partie restante de
partager ce sentiment de torture avec nous).
Les
deux heures suivantes ne nous laissèrent aucun doute. Les cris de colère
succédaient aux soupirs de désespoir. La situation semblait très mal engagée.
Environ
deux heures plus tard, notre devoir d’étudiant accompli, nous nous retrouvâmes
dans la salle voisine et nous mettions d’accord pour dire qu’il valait mieux
aller observer cette débâcle certaine dans un canapé avec une bière à la main
plutôt que dans une triste salle de classe, même si cela impliquait de devoir
affronter cette civilisation étant capable de sceller nos dernier espoirs naïfs
à tout moment.
Peu
après, nous étions à notre tour sujet à la vocifération de multiples insultes
relayées par de profonds soupirs en assistant finalement au triste spectacle
délivré par l’équipe nationale.
Une
défaite par deux buts d’écarts nous attendit quatre-vingt-dix minutes plus tard
en lieu et place de la victoire tant espérée.
La
coupe du monde était terminée pour les supporters français dans l’incompréhension
la plus totale. L’équipe la plus attendue du tournoi n’aura même pas pu
inscrire un but en trois matchs malgré la présence de joueurs acclamés dans
leurs championnats respectifs.
Quatre
ans après avoir vécu de loin le triomphe de mon équipe nationale dans mon pays,
j’ai été contraint de vivre la déroute de celle-ci par procuration.
La
question de savoir si la joie apportée par une victoire est plus intense que la
peine délivrée par une défaite restera sans réponse encore une fois. Seule la
frustration reste.
Une chose est
sure, on ne m’y reprendra plus.